On ferait...bien de s'allonger !

 

Michel Onfray, si occupé par son addiction à critiquer Freud, peine à accepter que la psychanalyse est une pratique vivante et actuelle. Pourtant, son remarquable débordement lancé à la cantonade dans Le Monde des 17 et 18 octobre 2010 peut aussi s’interpréter comme un appel. En conclusion d’un assemblage de textes variés visant à démontrer que Freud n’était qu’un « occultiste onaniste », il affirme: « Malheur au philosophe qui enseigne la nudité du roi freudien : un bûcher l’attend après le pal et le rouet, la poix et l’éviscération… »

Ce désir de punition, exprimé en version médiévale, doit alerter le futur analyste de notre philosophe si d’aventure ce dernier venait soudain à consulter. On propose ici, par anticipation, la reconstitution des étapes de cette cure : Après quelques séances à soliloquer autour du plaisir anal (le pal), si décevant au fond, notre nouveau Socrate se sentira envahi de réminiscences de manèges à chevaux de bois (le rouet), puis persécuté par une voix lui intimant « mange ta soupe pendant que c’est chaud, ça va refroidir ! » (la poix) avant d’évoquer avec difficulté un souvenir d’enfance - ce hérisson écrasé contemplé avec une curiosité malsaine pendant des vacances d’été en culottes courtes (éviscération) – et soudain de bondir furieux sur l’analyste assis derrière lui pour tenter de le carboniser à l’aide de la minuscule flamme d’un briquet bic (bic ! bic ! bic ! scandera-t-il dans ce même mouvement d’homicide de carton pâte, signe indubitable de mauvaises lectures croisées de L’homme au loup et de la chèvre de M. Seguin) : voilà le bûcher final.

Ne rêvons pas. Cette scène tragi-comique n’aura pas lieu. Notre aspirant martyre-bourreau de freudiens ne s’allongera jamais sur un divan car il a fait de Freud son symptôme. A-t-il le désir de tenter l’aventure analytique ? Oui, mais… avec Freud, donc non. Se mesurer au Fondateur, à Lui seul – mais il est mort ! Cela tombe bien. Alors il peut construire et ériger Freud en idole répugnante - figure du statu quo, du compromis symptomatique - et théoriser dans une posture infantile la vanité de tout combat : « Qui peut rivaliser avec un homme qui se prétend scientifique, mais revendique l’audace du péremptoire ? (…) Quel penseur pourrait combattre le délirant qui croit plus à ses légendes qu’à la réalité historique ? (…)  Le combat est perdu d’avance. On ne convertit pas l’onaniste jouissant de ses fictions dans le confort de son arrière–monde ».

Rivaliser, combattre, convertir : voilà des mots trahissant un classique moine-soldat sous le masque du souriant hédoniste dont les montures de lunettes laissent supposer un regard très contemporain sur le monde. L’empreinte douloureuse et encore agissante de fréquentations religieuses contraignantes dans sa jeunesse semble animer une volonté d’en découdre dirigée de façon déplacée vers la psychanalyse. A ce propos, il faut préciser à notre combattant que, malgré une malencontreuse homonymie, la cure analytique n’est pas menée par un curé.

Se souvenir, répéter, élaborer, dans le but de dénouer et non d’en découdre : voilà les mots de Freud, qui a créé empiriquement une pratique vivante de la parole dans ce qu’il a nommé le transfert – une forme d’amour. La chose dont il s’agit en analyse est comme le pudding dont la preuve est dans le eating, elle se vit dans une praxis exigeante, un processus qui doit déboucher sur la vie, ouvrir des portes et libérer la parole.

En attendant, on brûle d’impatience – voilà le véritable supplice – de prendre connaissance des incroyables découvertes de notre philosophe sur Ferenczi, Mélanie Klein, Françoise Dolto et bien d’autres élèves masturbateurs-spirites - Lacan surtout !