L'identité Nationale de Johnny Hallyday

Il est temps, Monsieur le Ministre du Débat Métaphysique (qui sommes-nous, mais vraiment ?) d’examiner le cas de Monsieur Jean-Philippe Smet alias Johnny Hallyday, le fameux Symbole National.

Passons sur l’usurpation : au début de sa carrière, cet individu se fait passer pour un chanteur américain ou d’origine américaine. Hum ! Fraudeur à l’identité. Disons qu’il y a prescription depuis les années 60. De toute façon, les américains et les anglais n’y ont jamais cru et pour cause : ils ne le connaissent pas.

Ce prénom d’emprunt ensuite : Johnny contre Jean-Philippe. Johnny. Quoi de moins français, quand on y pense bien ? Pas même un prénom, en plus ! Un diminutif anglo-saxon ! Je suggère de lui conseiller de changer de prénom pour… François, tout simplement. François, c’est comme français. Ça se prononçait pareil il y a quelques siècles, et beaucoup de françouè ont fait d’excellents français. Donc, exit Johnny, vive François.

Smet, maintenant. Soyons sérieux, écoutons la chose en face : Smet ne sonne pas très français. Nom belge, en fait. Belge. Pas français. Bien sûr, sa mère s’appelait Clerc (ça c’est clair, comme « Jean-Marie » ou « Marine », par exemple), mais son père : Smet. Smet, si on creuse un peu, ça fait turc. Oui, turc. Tout ce qui finit en « met’ », abruptement, sonne turc, comme Mehmet par exemple… et Mehmet, ça veut dire…. Ah ! Vindiou ! Inch’Allah ! C’est sûr qu’il a bien fait de changer de nom, mais enfin… Hallyday… ça n’est vraiment pas français et, en plus, ça ne veut rien dire en anglais ! Holiday, oui, les vacances, les jours fériés, oui, mais Hallyday… C’est ridicule, comme nom. En conséquence, tout en lui confirmant qu’il a bien fait de quitter ce Smet trop allusif (les turcs ne sont-ils pas une menace pour l’Europe et, dans une moindre mesure, les belges pour la France, les wallons surtout ?), je suggère de lui conseiller de changer ce Hallyday en… Vacances. Vacances, c’est très français, c’est très bien, ça fait chaud au cœur, c’est populaire.

Donc, François Vacances.

François Vacances n’est connu que du public francophone. Pas étonnant. Avec un nom si franchouillard, comment voulez-vous faire une carrière internationale de rockeur ? Donc, ça ne va pas, ces conseils, je vais raccrocher ma Robe. Bon, vous allez me dire, Monsieur le Ministre du Débat Métaphysique, de toute façon, sa carrière, il l’a déjà faite sous ce nom allogène de Johnny Hallyday. On n’y peut rien changer. Moi, pour participer au Débat, je dis : quand même, ce n’est pas une raison ! Un tel Débat seulement métaphysique, sans conséquences pratiques, ce ne serait que de la parlotte ? Au bout du compte, il faudra bien prendre des mesures, retailler aux normes, franciser, expulser un peu plus éventuellement, donc, commençons par Le Symbole National, ce Johnny, là, ce crypto-belge qui voulait résider fiscalement en Suisse – il ne voudra pas changer son nom, c’est sûr !  (Oh ! voici que je m’énerve, Monsieur le Ministre du Débat Métaphysique, alors que dans cette matière, il faut garder son calme, comme vous savez le faire, vous, droit dans vos bottes de la tempête identitaire déclenchée, un Modèle à suivre, on voit que vous savez comment ça va se terminer). Donc, au Johnny, on va lui appliquer de force la rétroactivité - c’est illégal ? et alors puisqu’on s’assoit sur l’éthique ? -c’est un peu la traîtrise appliquée au temps : A partir d’aujourd’hui, on va dire que la parole antérieurement donnée ne compte pas et que c’est différent depuis le début.

Donc on va dire par décret qu’il s’appelle François Vacances depuis la période yéyé, un point c’est tout. Pour le récompenser d’être devenu un symbole national, décrétons qu’il est élevé au rang de François Vacances, comme une distinction honorifique, et inexpulsable, surtout en Suisse et en Belgique, on ne sait jamais – sauf en Californie, pour se faire soigner le dos. Sa famille ? Ah oui. Laetitia, David… ils s’appellent aussi Hallyday. C’est bizarre que leur nom soit un pseudonyme, comment se fait-ce ? Pas très national. Demandez une note technique là-dessus au Ministre de l’Intérieur – pardon, au Garde des Sceaux... Mais ne nous embrouillons pas, revenons à des choses simples : Moi, je dis Longue vie à François Vacances, Symbole de l’Identité Nationale. Hein ? Vous ne voyez plus de qui je parle ? Vous plaisantez ? Oh ! ça me fatigue, mois aussi, de participer à ce Débat Métaphysique. Donc on arrête là ? Tout ce tumulte pour rien ? Pourquoi ? Vous ne voulez pas qu’on francise Le symbole de l’Unité Nationale, c’est ça ? Je ne comprends pas… il faudrait savoir, quand même ! Ne nous voilons pas la face ! Noir c’est noir, oui ou non ?

 

Article paru dans Le Monde en février 2000